Article 150-0 B ter du CGI : Report d’imposition d’une plus-value d’apport et obligations déclaratives

La Cour Administrative d’Appel de Toulouse vient de rendre un arrêt particulièrement intéressant (CAA Toulouse, 1ère Chambre, 18 septembre 2025, n°23TL03011) et rassurant s’agissant des conséquences fiscales attachées au non-respect des obligations déclaratives en matière de report d’imposition prévu à l’article 150-0 B ter du CGI.

M et Mme A ont apporté, le 25 août 2016, 499 parts de la société Home 2 au profit de leur société Home Holding. Ils ont réalisé à cette occasion une plus-value placée en report d’imposition en application de l’article 150-0 B ter du CGI, mais qui n’a pas été déclarée par leurs soins.

Le 1er septembre 2016, soit avant l’expiration du délai de 3 ans, la société Home 2 a racheté ses propres titres détenus par la société Home Holding pour un prix de 99.600 €. La société Home Holding n’a pas souscrit l’engagement de réinvestissement d’une fraction du produit de cession qui aurait dû être joint à sa liasse fiscale.

La Société Home Holding a financé les travaux d’aménagement d’une de ses filiales ayant une activité commerciale, en 2015 et 2016 (74.921 € dont 7.317 € en 2016), et a également souscrit à l’augmentation de capital en numéraire de cette même filiale en mai 2018 (45.000 €).

L’administration fiscale entendait remettre en cause le report d’imposition d’une part, en raison de la nature du réinvestissement portant sur le financement de travaux, qui ne serait pas éligible, et d’autre part en raison du non-respect des obligations déclaratives.

La Cour Administrative d’Appel de Toulouse a jugé tout d’abord que :

  • Compte tenu de la rédaction de l’article 150-0 B ter du CGI en 2016, il n’était pas exigé que le réinvestissement ait pour objet le financement de « moyens permanents d’exploitation », mais uniquement le financement d’une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, ce qui était le cas en l’espèce ;
  • Les manquements aux obligations déclaratives ne remettent pas en cause le bénéfice du report d’imposition de la plus-value dès lors que le réinvestissement est effectif.

« Les circonstances que cette plus-value n’a pas été déclarée par les intéressés, conformément aux dispositions de l’article 74-0 K de l’annexe II au code général des impôts alors en vigueur, et que la société Home Holding n’a pas souscrit, dans une attestation annexée à sa déclaration de résultat de l’année 2016, l’engagement, prévu à l’article 74-0 L de la même annexe, d’investir le produit de la cession des titres concernés dans les conditions prévues au 2° du I de l’article 150-0 B ter du code général des impôts, sont, compte tenu de l’effectivité de ce réinvestissement et de la nature de l’avantage fiscal en cause, sans incidence à cet égard. ».

Cet arrêt est à mettre en perspective avec l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Nantes en date du 8 octobre 2024 (n°23NT03788) qui avait pu semer le trouble quant aux conséquences du non-respect des obligations déclaratives par la holding dans le cadre du réinvestissement. La Cour avait jugé qu’à l’époque de la cession, le décret prévoyant les obligations déclaratives des holdings n’était pas encore entré en vigueur et que, de ce fait, l’administration fiscale ne pouvait remettre en cause le report d’imposition pour ce motif. Ce qui pouvait laisser entendre, a contrario, que la solution aurait pu être différente une fois le décret entré en vigueur.

Cette décision semblait s’inscrire dans la logique de l’Administration fiscale qui tend à devenir de plus en plus inflexible sur l’application du formalisme et qui rappelle que le régime d’apport-cession nécessite un formalisme précis et rigoureux pour en assurer le suivi.

Dans ce contexte, l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Toulouse apparait salutaire et semble davantage aligné avec les intentions du législateur s’agissant du régime afférent au report d’imposition qui qui a pour but « (…) de faciliter la restructuration d’entreprises et, par-là, de favoriser le maintien et le développement de l’activité économique » (CE 24 août 2011 n°316928).

L’éventuel recours qui pourrait être exercé devant le Conseil d’Etat contre cet arrêt devra être suivi avec intérêt.

En effet, en l’absence de dispositions légales ou réglementaires précisant les sanctions applicables lorsque le formalisme n’est pas respecté, l’incertitude demeure malgré cette décision rassurante d’un point de vue économique et pratique.

Nous ne pouvons dès lors qu’encourager les contribuables à apporter une attention particulière au respect des obligations déclaratives en la matière afin d’éviter tout risque de remise en cause par l’administration fiscale.

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